Le froid humide faisait grincer les barbelés des prés.

Un soleil pâle se glissait sous les draps d’une laborieuse journée.

Dans le vieux fauteuil devant la cheminée, je laissais mon esprit vagabonder sur une mosaïque de braises, de bûches résignées.

je livrais, sans crainte , mes soucis du jour et conservais pour demain l'espérance d'un jour meilleur.

Paix en la demeure que ce feu qui crépite de bois,d’os, d’herbes sèches, de vanités.

La première coupe du bois d’hiver avait essoré mon corps et je m’abandonnais éreinté au chant lancinant d’une soupe qui mijotait sans effort.

Et puis, voici la chienne qui rentre, la truffe humide, ivre de terres noires,d’espaces. La boue fraîche couvre le vieux tapis hollandais. Elle patiente, penaude dans l’attente de ce signe que je lui adresserai lorsqu’elle aura abandonnée son manteau terreux.

Dieu, que ce volet qui claque derrière la maison, m’agace!

Un vent teigneux s’y engouffre,décidé à me prendre en chasse, à m’emporter dans le gouffre de la solitude.

Il va falloir que je sorte le fermer ce maudit volet!

A l’ouverture de la porte la chienne est déjà prête pour de nouvelles escapades champêtres. A présent un épais brouillard s’est étendu jusqu’aux lueurs nocturnes du village.

Soudain au milieu du pré, malgré sa fière stature, le grand chêne frissonne comme un oisillon mouillé.

De ses cimes, s'échappe une nuée d’insectes lumineux à dos de coccinelles grises rangées en escadron dans une vague difforme qui s'étend au dessus de la ferme et se dissipe sur la vallée ensommeillée.

Mais le vertige lui, abandonné sur mes épaules, me fige dans l'instant insoluble.

La nuit alors nous cerne de son hermine envoûtante.L’âme étreinte dans son épi de seigle, s’égrène sur le parvis de fêtes oniriques, prophétiques.

Le voilà !

Comme sorti d’un mauvais rêve, tous feux éteints, le Malin s’invite à ma table ! En porc-épic, avec la face mielleuse et l'appétit des Gueux.

Mais avant que le seuil de la porte ne soit passé, celle-ci se referme sur ses sabots creux, sur ce rictus, ce corps qui exulte mille dépravations !

La chienne se niche apeurée entre mes jambes.

Comme je voudrais, qu'au seul mot du hibou, le portail des songes s’ouvre et nous accueille dans ses herbes hautes, que des guirlandes providentielles, des lucioles de jade jalonnent le sentier salvateur de nos vies embaumées...Comme je voudrais.

La porte se referme.

Les flammes encore ardentes de la cheminée me ramènent à mon humble réalité. La soupe est prête.

J’ai bien cru un instant mon astre perdu, éclaté à jamais dans le vertige d’un claquement de volet, d’un claquement de volet.

 

Texte/ Aquarelle

B.DUGACEK